27 Août 2025
Entreprises

NODA BCVS, what else !

Bertrand Crittin Par Bertrand Crittin
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« Nous n’ouvrons pas tous les jours une telle salle »

C’est la fin d’une attente de 40 ans. C’est long 40 ans ! Il y avait donc du stress, de l’excitation, de l’impatience, de la fierté et du soulagement chez Jean-Pierre Pralong. Un mélange d’émotions compréhensible pour le directeur commercial et administratif de la salle NODA BCVS à Sion. Située dans le nouveau quartier de Cour de Gare, celle-ci a accueilli ses premiers visiteurs. Tout d’abord la Rentrée de l’économie valaisanne 2025 (REV) le jeudi 21 août (voir encadré) ; ensuite la première production symphonique le mardi 26 août avec l’Orchestre de la Suisse romande. Deux manifestations inaugurales qui ont fait salle comble. « Nous sommes enfin entrés dans une phase opérationnelle et d’exploitation. Ces événements illustrent parfaitement ce qu’est notre salle, une infrastructure à la fois de concerts et de congrès », explique Jean-Pierre Pralong.

Autant dire que l’agenda du co-directeur - Giada Marsadri gère la partie artistique - débordait ces derniers jours. Il a toutefois pris quelques minutes pour raconter l’aventure de NODA BCVS, la place qu’elle va occuper et le rôle qu’elle est amenée à jouer pour Sion et le Valais.

Jean-Pierre Pralong, vous avez été nommé, début 2024, à la direction d’une salle en construction. Cette année et demie a dû être intense ?
C’était une aventure incroyable. On n’ouvre pas tous les jours une salle de ce type-là, au centre-ville, dans un nouveau quartier. C’est une fois dans une carrière professionnelle et c’est une fois pour Sion à l’échelle d’une génération. Nous sommes passés par toute une série de phases. Il y a eu la prise en mains et l’aménagement intérieur, domaine sur lequel nous avons beaucoup travaillé. Il y a eu une période pour monter notre structure et engager du personnel. Nous fonctionnons désormais comme une entreprise, pour gérer la phase d’exploitation.

Notre plus grand défi ? Faire en sorte que l’infrastructure soit la plus flexible possible, en allant au bout des choses, sans réaliser de mauvais compromis.

Directeur commercial et administratif de NODA BCVS

Quel fut le plus grand défi à relever ?
Faire en sorte que l’infrastructure soit la plus flexible possible, en allant au bout des choses, sans réaliser de mauvais compromis. C’était un souhait de la ville de Sion que NODA BCVS soit dédiée aux concerts et aux congrès. On a donc mis deux salles dans la même espace. Nous avons travaillé sur tous les espaces pour qu’ils soient réversibles, modulables et fonctionnels. Les loges peuvent par exemple héberger une conférence un jour plus tard, avec une nouvelle décoration et un nouveau format d’aménagement.

En tant que directeur commercial, comment vend-on une structure qui n’existe pas ?
Nous avons fait énormément de visites, plus d’une centaine, avec tout type de personnes, alors qu’il n’existait qu’un cube en béton en cours d’aménagement. En quelque sorte, on leur a vendu du rêve, on a suscité une attente et une envie de revenir. Lors de l’inauguration de Cour de Gare fin mai 2025, pour la première fois des gens ont pu s’asseoir dans la salle. Il y a eu un grand silence, ils se sentaient bien. Le mot « sérénité » est souvent ressorti des discussions. Je trouve cela très intéressant. Les visites nous ont beaucoup servis. 

Avant l’ouverture de NODA BCVS, on a parlé de son architecture, de la qualité de son acoustique. Mais son atout principal ne réside-t-il pas dans son emplacement ?
Il s’agit d’une infrastructure très compacte et très centrée. Qu’est-ce que nous y trouvons ? Un hôtel, un parking souterrain et une place publique. Je dis même à certains clients que NODA BCVS est située dans la gare de Sion. C’est un écosystème, avec des commerces tout autour. Notre salle a pris place sur un pôle qui s’est développé - campus Energypolis, Cour de Gare - et qui continuera à le faire - place de la gare, passerelle au-dessus des voies CFF, télécabine, nouveau bâtiment pour le campus -. Depuis dix ans, les investissements totaux avoisinent le milliard de francs. Ajoutez-y le projet Ronquoz 21, et, en Suisse, vous ne trouverez pas beaucoup de plan de développement aussi ambitieux à l’échelle d’une ville de la taille de Sion.

NODA BCVS comble un manque au niveau des infrastructures culturelles en Valais.

Directeur commercial et administratif de NODA BCVS

La REV 25 a abordé le thématique des infrastructures culturelles et sportives en Valais. NODA BCVS comble-t-elle un manque ?
Oui clairement. NODA BCVS n’est pas un doublon, nous ne sommes pas un théâtre de plus. Nous ne sommes pas une salle polyvalente de plus. Il n’existait pas à Sion et en Valais de salle de concerts dédiée à la musique et de lieu spécifique pour les congrès.

Qui allez-vous attirer dans cette salle ?
Pour la partie concert, nous allons accueillir des acteurs locaux et des orchestres internationaux. Sion apparaît désormais sur la carte des tournées européennes de ces ensembles. Le principe est identique pour la partie congrès. Nous n’avons pas les capacités de Palexpo, de Beaulieu ou du KKL, mais nous recevrons des événements valaisans, suisses et même internationaux grâce au campus Energypolis. Quel que soit le contenu des rencontres - scientifique, médical, énergétique, économique - nous désirons faire dialoguer différents mondes avec la culture, créer des ponts dès que cela fait sens. On peut programmer le mardi un concert symphonique, le jeudi l’assemblée d’un club services et le samedi matin une activité pour les enfants. On se réjouit de tester tous ces formats. Au final, c’est un lieu pour se divertir, pour travailler et pour rencontrer des gens. C’est un lieu de vie.

Le président de la ville de Sion veut faire de NODA BCVS un catalyseur culturel et économique. C’est ambitieux. Trop ?
C’est un vrai défi. Sion va bientôt atteindre les 40'000 habitants. Le Valais est le canton suisse ayant la plus forte croissance démographique du pays, Genève et Zurich compris. Les gens viennent en Valais pour y travailler, pour y vivre. Cour de Gare, ce sont 300 logements, tous occupés. Quand on a des ambitions, les infrastructures doivent suivre. Et NODA BCVS n’est pas une salle démesurée. L’investissement se monte à 28 millions de francs, son budget de fonctionnement à environ 4 millions. NODA BCVS a une capacité de 600 places et emploie dix personnes. Comparé à d’autres lieux culturels, c’est sans commune mesure. L’opéra de Zurich dispose d’un budget de 240 millions de francs. Le KKL à Lucerne, c’est 2000 places. A un autre niveau, l’investissement pour construire la Philharmonie de Hambourg s’est élevé à…  plus de 800 millions. 

Aucune infrastructure de ce type ne pourrait vivre de son propre financement, elle doit être soutenue par les pouvoirs publics.

Directeur commercial et administratif de NODA BCVS

Avez-vous fixé un délai pour définir le succès de NODA BCVS ?
On se donne trois ans dans un premier temps. La saison zéro, comme on la nomme à l’interne, est celle de tous les tests, de toutes les premières. Nous avons trois ans pour expérimenter tous les formats. Nous avons signé une convention avec la ville de Sion, dans laquelle est listée toute une série d’indicateurs tels que le nombre de spectateurs, le nombre de programmations culturelles et le nombre d’événements que l’on accueille. On pourra mesurer quantitativement le succès. Tout aussi important, le retour des utilisateurs et des spectateurs définira notre succès qualitatif. Notre agenda est ouvert pour 2028, 2029 et même 2030. Le challenge est de dépasser l’effet d’aubaine, de nouveauté, de ces premières années d’effervescence.

Une telle salle peut-elle être rentable ?
Jamais. Aucune infrastructure de ce type ne pourrait vivre de son propre financement, elle doit être soutenue par les pouvoirs publics. Que ce soit pour NODA BCVS, une piscine, une patinoire ou un festival, schématiquement le financement se divise en trois parties : public, privé et rentrées propres (billetterie, bar…). Aujourd’hui, la partie communale est la plus importante, parce que nous n’avons encore aucune entrée directe.

Quel est votre objectif financier ?
Le but est bien évidemment de développer notre marge d’autofinancement, en augmentant nos revenus propres et la partie privée, année après année. Mon travail est d’aller chercher des financements et soutiens auprès de sponsors, de fondations. Remplir la salle ne suffit pas pour dégager du bénéfice. Les charges sont importantes, que ce soit pour payer les artistes, salarier notre personnel et amortir la dette hypothécaire du bâtiment. Dans dix ans, on aimerait que le budget de fonctionnement soit couvert idéalement à 50% par des revenus propres.

La BCVS a signé un partenariat sur dix ans, ce qui signifie que la BCVS est d’accord d’associer son image à la nôtre sur une longue durée.

Directeur commercial et administratif de NODA BCVS

La Banque Cantonale du Valais est sponsor-titre de NODA BCVS. C’est une démarche assez novatrice en Valais ?
Je trouve très intéressant que la BCVS réalise un tel partenariat. La Banque nous a soutenu d’une part pour la construction de la salle. D’autre part, et c’est très important, elle a signé un partenariat sur dix ans, ce qui signifie que la BCVS est d’accord d’associer son image à la nôtre sur une longue durée. Il y a une prise de risque des deux partenaires. En termes marketing, la Banque jouit d’une grande visibilité. Pour conclure des projets de cette envergure, il est nécessaire d’associer plusieurs types de financement. Jouer sur le partenariat public-privé est une évidence.

Associer une banque à une infrastructure culturelle pourrait-il être mal perçu ?
Je tiens à préciser que NODA BCVS est indépendante. La Banque ne pilote pas l’équipe (rires). Soit par méconnaissance, soit par jalousie, le partenariat peut gêner dans certains milieux. Je crois, au contraire, qu’il permet d’augmenter l’intérêt et l’attractivité du lieu, de le rendre plus vivant. Certaines personnes sont peut-être trop dogmatiques pour le voir. Cela se pratique dans d’autres domaines, tels que le sport et l’événementiel. Paléo s’associe par exemple à de grands sponsors. La culture rattrape le retard qu’elle a par rapport à d’autres secteurs. En même temps, je le répète, NODA BCVS n’est pas qu’une infrastructure culturelle. Nous aurons des activités équilibrées entre les concerts et les congrès. Ceux-ci seront moins visibles, parce que pas toujours ouverts au public.

La REV, premier événement de NODA BCVS

La Rentrée de l’Economie Valaisanne (REV) a eu la chance et l’honneur d’inaugurer la salle NODA BCVS, le 21 août dernier à Sion. En effet, la neuvième édition de la REV a réuni quelque 500 décideurs et patrons d’entreprises du canton au cœur de cet écrin, bijou architectural et technologique. Organiser la REV 25 dans cet espace de concerts et de congrès faisait sens. N’y avait-il pas meilleur endroit pour mettre en vitrine les compétences et le savoir-faire des entrepreneurs valaisans ? Des invités de renom ont participé à deux tables rondes, traitant des infrastructures culturelles et sportives valaisannes et de leur financement.

La REV a été fondée en 2017 par la Banque Cantonale du Valais (BCVS) et le Groupe Mutuel. L’événement est orchestré en collaboration avec plusieurs partenaires : le Bureau des Métiers, la Fédération des Entreprises Romandes Valais (FER Valais), l’Union Valaisanne des Arts et Métiers (UVAM), l’Association Valaisanne des Entrepreneurs du bâtiment et du génie civil (AVE). Chaque année, la REV réunit le monde de l’économie et de la politique pour réseauter en toute convivialité, pour échanger, pour nouer des relations et, pourquoi pas, pour développer des opportunités professionnelles.